Comment j'écris une nouvelle

Comme Miss M m'avait posé la question, voici une réponse fleuve.
Ce n'est pas un tuto, c'est juste ma méthode, que j'ai développée en lisant des tonnes de tutos d'écriture, des bouquins sur le sujet et en prenant des notes sur les romans que j'aime bien.

Phase 1 : l'esquisse
J'ai une première idée que je note en vrac dans un fichier. Je lui donne un titre temporaire qui des fois restera. Je note tout ce à quoi je pense sur le moment. Par exemple, pour Le stagiaire, une nouvelle que je n'ai pas encore rédigée, ça donne ça pour le début :

un jeune homme porté sur les technologies découvre la campagne
trouve un stage de berger
doit s'adapter car ne connait que la ville
en ressortira grandi
contraste technophilie / vie simple
ton humoristique, à la première personne
un berger bourru lui explique le boulot
au début, il flippe

Cette esquisse traîne ensuite pendant des semaines ou des années dans mes "cartons". Je la garde dans un coin de ma tête et je note soigneusement les idées que j'ai pour elle. Des fois, je la reprends pour la développer.
Quand je lis/regarde/vois/entends un truc qui me donnent une idée, je note illico sur mon portable "stagiaire : idée...". Je ne supporte pas de paumer une idée. Je la note toujours illico. Si je n'ai rien sous la main, ça me met dans tous mes états ! Des fois, je ne la garde pas parce qu'elle est pourrie. Des fois, elle ne s'applique à rien en particulier et je la mets dans mon fichier "idées en vrac". La dernière de ce type, c'était de faire un perso de handicapé badass.
Pendant cette phase, je me documente tous azimut aussi, sur les thèmes ou les lieux de l'esquisse, ce qui me redonne des idées. Le texte devient plus long et j'essaie de mettre les éléments dans le bon ordre. Ça donne le synopsis.

Phase 2 : le synopsis
L'esquisse s'est transformée en synopsis. Pour Le stagiaire, voici le début :

Un jeune qui doit faire un stage pro de trois semaines et qui ne trouve que berger en rase cambrousse. Ça lui parait pittoresque,
il imagine déjà le blog en live qu'il va pouvoir faire.
Il est assez spontané et jure beaucoup (sa mère, ...un vrai branleur...)
Il est venu avec un équipement de campeur de base, tente, duvet, fringues, réchaud, lampe gaz...
Dans le village en bas de la montagne, un vieux lui passe les infos avec un gros accent. Il ne comprend pas grand chose.
Ça le fait marrer.
Pour se laver, c'est au ruisseau à un kilomètre mais pas plus d'une fois par semaine car il faut laisser les moutons.
Le vieux lui donne de la bouffe et de l'eau pour une semaine. Que des boites en fer et en carton.
Il se rend sur site avec sa voiture pourrie. La piste devient de plus en plus escarpée et impraticable.
Sa voiture se prend un gros caillou; ça perce le réservoir d'essence. Il doit abandonner sa voiture et finir à pieds.
La montagne est très belle mais équipement est super lourd (son sac est rempli de livres). Il adore la nature bien que citadin.
Y a un berger sur site avec un sac à dos mais qui s'en va sans un mot quand il arrive.
Le champ est entouré par la forêt
Il s'installe dans le champ du troupeau de mouton. Il fait connaissance. Les moutons ne le laissent pas approcher; ils ont tous une cloche.
Il n'y a aucun réseau, il est horrifié, limite paniqué. Il imagine plein de risques.

Le héros n'a pas encore de nom et pourrait devenir une fille inopinément.
A ce stade, je réfléchis aux thèmes (écologie, tolérance...), à l'ambiance (sombre, joyeux), au genre (horreur, western...), au point de vue (narrateur interne, omniscient...) et à la fiche de perso des héros. Je note tout à la suite du synopsis. Pour la fiche de perso, j'essaie d'avoir :
- un nom et un sexe
- une apparence : description physique, tics, vêtements, attitude
- un passé : blessures, éducation
- buts ou problème à régler
- des relations avec d'autres personnages
- des compétences et une bonne raison de les avoir
- une influence sur l'intrigue
- une psychologie (ses peurs, son attitude, ses croyances, ses goûts)
- un alignement (bon neutre mauvais)(loyal neutre chaotique)
- une faiblesse, un défaut, une ambiguïté
Si le monde où se passe l'histoire n'est pas le notre, le monde a sa propre fiche avec :
- son histoire
- sa géographie, ses pays, ses paysages, ses endroits dangereux, ses endroits mystérieux, sa flore, sa faune, son climat
- ses peuples qui ont une apparence, des vêtements, une mentalité, une culture, un style de vie, une politique, une capitale, des loisirs, un style de noms, des croyances, une vie de famille, des loisirs, un niveau technologique, une gastronomie, des coutumes, une magie éventuelle
Évidemment, si c'est un texte hyper court, vite fait, je ne détaille pas tout ça.

Phase 3 : le synopsis détaillé
Des synopsis comme au-dessus, j'en ai une quinzaine. Certains ont plus de 10 ans, certains sont vraiment nuls, d'autre plus sexy...
Dès que je finis un texte, j'en mets un autre en chantier mais je n'écris qu'épisodiquement et très très lentement. C'est très dur de faire un truc qu'on sait pas faire. j'ai le même problème avec la sculpture, le dessin...
Il y a un vote entre moi et moi pour choisir le prochain synopsis à y passer. Les critères sont le plus souvent : a pas l'air trop long, a l'air de coller à mon humeur.
Avant d'entamer la rédaction, je découpe le synopsis par scènes et je détermine l’atmosphère de chaque scène (exotisme, oppressant...).
Sur chaque scène, j'ai un rappel-tout de la forme :
- Les trucs les plus importants du perso et du monde à garder en tête
- Détailler les réactions physiques et les pensées des persos (au cas où j'oublierais)
- Quel état je veux créer sur chaque scène (elle fait peur, elle émerveille, elle est apaisante...), les champs lexicaux à utiliser pour y parvenir
- Les 5 sens pour la description
Pour la cohérence et la bonne compréhension de ce que je veux expliquer, je fais en allant, avec l'aide de mon béta lecteur chéri, à qui je pose deux millions de questions pour m'assurer que tout va bien comme je voulais. Pauvre homme...
L'émotion, je suis absolument incapable de déterminer si j'en mets ou pas. C'est comme l'humour. J'essaie mais je ne contrôle rien. C'est un gros problème pour moi.
Je rédige toujours l'histoire de façon linéaire car, pour le moment, je ne sais pas faire autrement. Mais j'aimerais prochainement essayer des constructions en flashbacks, en commençant par la fin...
A ce stade ou un peu avant, j'ouvre mon super fichier magique où je concentre tout ce que j'ai lu sur comment écrire. J'ai trié les conseils par thème (écrire les persos, décrire, les choses auxquelles penser pour le scénario, faire les dialogues, passer le test de sexisme Bechdel) et j'ai aussi mis ce que j'aime chez les auteurs, que ce soit des thèmes, des façons de faire... Je relis soigneusement le fichier et je vérifie que mon synopsis est conforme.
Je fais attention plus spécialement à :
- disséminer du background un peu partout dans la nouvelle pour donner de l'épaisseur au monde
- ne pas tout dire, laisser du mystère
- faire passer un message à mon lecteur
- mon personnage ne doit pas être trop lisse, ils doivent avoir une part d’ambiguïté
- ne pas dire, montrer. Ne pas dire « c’est un dur, elle est sexy… », le mettre en scène
- ne pas avoir de scènes qui ne servent à rien
- faire gaffe aux clichés
- avoir un peu d'humour, un peu d'amour, un message positif (ça marche pas à tous les coups)
- questionner les éléments du synopsis, pourquoi un personnage est-il comme ça, pourquoi se passe-t-il ça…

Ensuite, mes scènes, je les découpe en plans, à peu près comme au cinéma et je détermine grossièrement où est placée la caméra. Est-elle au niveau des sabots des chevaux de la calèche ? Ou au contraire sur un drone pour montrer tout le village ? Je visualise tout dans ma tête, en fermant les yeux, par où les persos rentrent dans la pièce, où se trouve la cuisine, où il a rangé sa clé avant de la sortir... Le paroxysme, c'est pour les scènes de combat où je simule les mouvements avec des poupées de chiffon. Pendant que je visualise, la scène se développe souvent (il y a des villageois le long de la route, un chat dans la cuisine).
Il y a quelques années, je ne faisais pas tout ça et, du coup, j'écrivais plus court. Chaque couche de méthode allonge le texte, je pense. Après ces phases, j'obtiens ce que j'appelle le synopsis détaillé qui est beaucoup plus long que le premier.

Phase 4 : la rédaction
Pour la rédaction proprement dite, j'écris un bout, j'aime pas, j'efface, je recommence, j'aime pas... jusqu'à ce que je trouve ça correct.
Ça ne me plait jamais vraiment, sauf dans de rares cas. Et quand je relis un ou deux ans après, je trouve ça pourri, sauf dans de très rares cas. L'exception, c'est "Mignonne allons voir si la rose" que j'ai écrit il y a dix ans ou plus et que j'aime toujours autant et auquel je ne changerais quasi rien. Aucune idée de pourquoi.
Après, il peut y avoir des soucis tardifs dans le genre mon béta lecteur comprend rien à une scène, trouve une erreur, je me rends compte que j'ai un trou dans le scénario ou qu'un de mes personnages ne ferait jamais ça. Et puis, il y a les persos qui partent vivre leur vie, qui veulent des scènes supplémentaires...

Phase 5 : les relectures
A chaque séance, je relis ce que j'ai écrit à la précédente, sauf si elle était il y a plus d'une semaine. Dans ce cas, je relis tout. Si une scène ne me plait pas, je la retouche et je la relis à chaque séance. Quand j'ai un tiers d'écrit, je le passe à mon béta lecteurs qui me fait une critique sans concessions, comme j'aime. Et à la fin, je relis tout au moins deux fois dont une fois à voix haute.

Je termine le purée de paver en citant mes armes secrètes :
- le dico des synonymes en ligne : https://crisco2.unicaen.fr/des/
parce que les répétitions c'est pas chouette et aussi que parfois, on veut la nuance de sens exacte
- How to write science-fiction and fantasy de Orson Scott Card
qui malheureusement est en anglais mais une mine d'informations
- https://tvtropes.org/
un site qui répertorie et étudie les motifs narratifs dans les œuvres, quel que soit le média

Merci de nous dévoiler tous tes trucs
Ça a dû te prendre une plombe pour tout taper...

Je préfère le dico des synonymes sur papier , c'est plus agréable à consulter. C'est vrai que j'écris sur papier, au crayon gris ,alors c'est logique.
Je sais que c'est plus pratique de taper à l'ordi ,pour les corrections, les déplacements de paragraphe, les suppressions et tout ça mais j'aime avoir plein de bouts de papier que je déplace, recopie etc...On ne se refait pas.

Le bouquin de Orson Scott Gard ,je l'ai , traduit en français.
C'est un bon bouquin, plein de bon sens et d'humour.

La première image qui m'est venue à l'esprit :



Rien que le tutos, pourrais être le premier chapitre du roman

C'est la tête de la cheffe, je la reconnais !

De rien !
Ouiii !
Ah bon, il est traduit ! Mais pourquoi je m'emmerde à le lire en anglais alors ??

C'est mon cerveau ça ?? Ttends, je te dis ce qu'il y a dedans en vrai :
chocolat, X Japan, dolls, dodo, chéri, forum, papotte, Netflix, dodo, Internet, chips, panda, papotte, rock, fromage, fleurs, balade, jardin, dolls, dodo, dodo, SF, helva, BD, Tyrion, dessin, japonais, nouvelle, Internet, fromage, patates, chat, dodo, bricolage, couture, médicaments, sport, balades, couette, fromage...

C'est parce qu'on ne voit que la partie immergée de l'iceberg.

En tout cas, ça m'a donne envie d'écrire. Enfin de reprendre l'écriture. J'avais commencé des trucs il y a .... plus de 20 ans.
Et je crois que c'est ce dont j'ai besoin en ce moment, afin de m'évader.
Me voici donc, dans le jardin, sous le parasol (parce que craignos le soleil) l'ordi branché sur la table. Et je vais pianoter toute la journée, sortir tout ce qui vient. Ou pas.

C'est génial, Naya !! Hâte de lire !